Benoît Assou-Ekotto fait son grand retour au devant de la scène. Longtemps resté muet, l’ancien international camerounais est sorti de son silence pour accorder une longue interview à Investir Au Pays dans laquelle il a évoqué l’épineuse question des binationaux sur le continent africain. Et pour lui, il est clair que la plupart font des choix par défaut.
Né en France d’un père camerounais et d’une mère française, Assou-Ekotto qui a été formé à Lens n’a jamais hésité au moment de choisir la sélection qu’il représentera sur le plan international. À moins de 23 ans en 2003, il évoluait déjà avec les Lions Indomptables olympiques et a naturellement fait le grand saut en équipe première six ans (2009) après pour participer à la Coupe du monde en Afrique du Sud une année plus tard (2010) avec Samuel Eto’o et compagnie.
“On m’a toujours rappelé que je n’étais pas Français“
Naître et grandir en France et avoir autant d’amour pour son pays d’origine est assez rare dans le football moderne. Mais pour Ekotto il était évident dans sa tête que c’est le Cameroun qui est son pays et d’ailleurs son père lui a transmis cette fibre patriotique. « Pourquoi ai-je choisi le Cameroun ? Quoi que tu fasses en France ou en Europe, on est un peu dans une guerre de religion et flux migratoire, a estimé l’ancien joueur de Tottenham. Quand tu es bronzé ou noir, les gens ne te veulent pas forcément ici. Moi, on m’a toujours rappelé que je n’étais pas Français et je l’ai accepté. Je ne vois pas l’intérêt de porter le maillot d’une équipe nationale fièrement alors que depuis tout petit on te rappelle que tu n’es pas Français. Et puis, plus tu te cultives et tu fais un constat, tu te dis que l’homme noir ne réfléchit pas des masses. Quand tu lis et apprends que la France a fait un genocide au Cameroun, comment pourrais-tu porter ce maillot fièrement ? Quand tu es Congolais et que tu joues pour la Belgique alors qu’il y a un monsieur qui a coupé je ne sais combien de mains et pieds au Congo… Il se passe quoi dans ta tête pour porter ce maillot fièrement ? Il faut vraiment être con ».
Pour lui, les joueurs qui sont nés en Europe et qui ne décident de jouer pour leurs pays d’origine seulement lorsqu’ils se rendent compte qu’ils n’ont plus de chance avec la sélection qu’ils visaient, n’ont jamais fait un choix du cœur. “Est-ce que lorsque je choisis le Cameroun, l’équipe de France me sollicite ? Moi, je ne vais jamais faire les présélections et les sélections des jeunes. Je n’ai pas le temps d’aller là-bas. Et pour quoi faire ? Très jeune, je savais déjà que je ne voulais pas jouer pour l’équipe de France. Beaucoup de binationaux font toutes leurs classes avec l’équipe de France mais choisissent le cœur d’aller jouer avec les pays africains (Rires). Il faut se dire la vérité. Ils mentent. S’ils avaient eu l’opportunité de jouer pour la France, d’un point de vue business, c’est extraordinaire. La plupart des mecs en équipe de France ont je ne sais combien de millions par an. Pourquoi aller avec les jeunes si ton cœur est pour le Cameroun, la Zambie ou le Nigeria ? Moi, j’ai décidé de jouer avec le Cameroun très jeune. Je n’avais rien à faire avec l’équipe de France. Je n’ai jamais regretté ce choix. Sauf pour l’argent car je joue pour l’argent. Je joue pour mettre ma famille dans les meilleures conditions. Mais je préfère être comme ça“, a martelé Assou-Ekotto.
Être Camerounais, une fierté chez les Ekotto
Il y a dix ans qu’il a arrêté avec les Lions Indomptables mais Benoît Assou-Ekotto est toujours très attaché au Cameroun. Un amour pour son pays qu’il tient de son père qui n’a jamais manqué d’afficher sa fierté de venir du “continent”. “Mon pays c’est mon pays. La fierté que j’ai d’être Camerounais est énorme et vient du fond de mon cœur. Je suis conscient que je ne sais pas grand-chose des us et coutumes du Cameroun parce que je n’ai pas grandi là-bas. [Mais] mon père était un Camerounais très fier et il nous a transmis cette fierté. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas hésité à venir défendre les couleurs de ce pays où j’ai mes racines. Être Camerounais ce n’est pas une question de géographie. C’est un état d’esprit et des valeurs. Je suis bien plus qu’un simple footballeur camerounais, je suis un citoyen camerounais”, se réjouissait déjà en 2010 Ekotto dans une interview accordée à Ndamba. Une fierté et une dignité que celui qui a désormais 40 ans transmettra sûrement à ses enfants.